Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/220

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la Suisse et des États-Unis d’Amérique. Voilà deux démocraties selon votre cœur, n’est-ce pas ? Le peuple y possède déjà tous les biens que dans votre mansuétude vous voulez bien promettre au peuple français. Toutes les deux jouissent de la représentation démocratique la plus large, la plus pure. Direz-vous que le peuple y soit réellement souverain ? Oui, mais à une seule condition, c’est qu’il se laisse dominer, gouverner et exploiter par |103 les bourgeois. Allez à Bâle, à Zurich, à Genève, dans les montagnes du Jura. Qu’y trouverez-vous ? Les mêmes rapports de dépendance des travailleurs à l’égard de leurs maîtres, et la même oppression insolente de la part de ces maîtres. De la part des capitalistes, des fabricants, des patrons, des bourgeois, ce sont absolument les mêmes menaces et la même tendance à faire intervenir la police, qui naturellement est tout entière à leur dévotion, et même la force militaire, contre les ouvriers, dans les grèves, comme nous l’avons vu l’an passé à Lausanne.

Vous voyez bien que la liberté politique la plus large, quand elle n’est pas basée sur l’égalité économique, ne résout pas la question sociale. L’ouvrier, enchaîné par sa misère et par son ignorance relative, qui est la conséquence de cette misère, reste esclave de fait ; et malheureusement le fait est toujours plus puissant que le droit. Demandez aux ouvriers de Bâle, par exemple, s’ils sont en effet des citoyens bien prospères et bien libres ?