Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blicains. Pour pallier cette faute et pour en corriger les conséquences funestes, ils ont envoyé partout des commissaires extraordinaires, des préfets, sous-préfets, avocats généraux et procureurs de la République, pâles républicains, bâtards de Danton, comme eux ; et tous ces petits avocats, tous ces fats en gants jaunes du républicanisme bourgeois, qu’ont-ils fait ? Ils ont fait la seule chose qu’ils pussent faire : ils se sont alliés partout à la réaction bourgeoise contre le peuple ; et en tuant le mouvement et l’action |8 spontanée du peuple, ils ont tué la France partout. Maintenant l’illusion n’est plus possible. Voici quarante-six jours que la République existe : qu’a-t-on fait pour sauver la France ? Rien — et le Prussien avance toujours.

Telle fut la pensée, citoyen, et tels furent les sentiments qui ont présidé à la formation du Comité du salut de la France à Lyon, qui dictèrent sa proclamation, qui poussèrent mes amis à faire cette tentative du 28 septembre, qui a échoué, je ne crains pas de le dire, pour le malheur de la France.

Plusieurs de mes amis, dans des lettres qu’ils ont adressées au Progrès de Lyon, ont eu la faiblesse de nier le but réel de cette manifestation manquée[1]. Ils ont eu tort. Dans les temps comme

  1. De ces lettres, je n’en connais qu’une, celle écrite par Albert Richard le 1er octobre, de la retraite où il s’était mis à l’abri (elle a été reproduite par Oscar Testut dans L’Internationale et le Jacobinisme au ban de l’Europe, Paris, 1872, tome II, p. 277). Richard y dit : « Le but de la manifestation du 28 septembre n’était pas de faire appliquer le programme de l’affiche ; il était simplement de réclamer les mesures suivantes :
    « 1° Destitution des autorités militaires ;
    « 2° Élection des officiers par les soldats ;
    « 3° Réquisitions selon les besoins de la situation ;
    « 4° Mise en liberté des militaires emprisonnés pour causes politiques ou d’indiscipline ;
    « 5° Occupation des forts par la garde nationale ;
    « 6° Non-réduction du salaire accordé aux travailleurs des chantiers ;
    « 7° Formation et réunion à Lyon d’une Convention populaire du salut de la France.
    « Si les conseillers municipaux se déclaraient impuissants à faire exécuter ces mesures, les délégués de la manifestation devaient les inviter à donner leur démission. « Il n’y avait pas d’autre plan : et la preuve, c’est que notre imposante manifestation a eu lieu sans armes. Si l’on a envahi l’hôtel de ville, si des gardes nationaux bourgeois ont été désarmés, si M. Hénon n’a pas été écouté, si M. Challemel-Lacour a été arrêté, c’est que l’absence des conseillers municipaux du lieu des séances et le manque de réponse ont impatienté le peuple ; tous lui accorderez bien que dans un pareil moment il a le droit de s’impatienter. »
    Bakounine avait jugé et qualifié sévèrement, à l’instant même, la conduite de ceux des membres du Comité révolutionnaire qui voulaient capituler pour éviter une collision qu’ils redoutaient, et il leur avait dit, pendant qu’ils délibéraient encore à l’hôtel de ville, ce qu’il pensait d’eux. Seize mois plus tard, dans une lettre adressée à la Tagwacht, de Zürich, le 14 février 1872, il résuma son appréciation dans les termes suivants : « La couardise de l’attitude de Richard a été une des causes principales de l’échec du mouvement lyonnais du 28 septembre. Je regarde comme un honneur pour moi d’avoir pris part à ce mouvement, avec le digne citoyens Palix, qui est mort l’hiver dernier à la suite des souffrances qu’il a eu à endurer ; avec le brave citoyen Charvet, qui a été, depuis, assassiné lâchement par un officier ; avec les citoyens Parraton et Schettel, qui languissent encore à cette heure dans les prisons de M. Thiers. Depuis lors j’ai regardé Richard comme un lâche et un traître. »