Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/515

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caractérise à lui seul le pouvoir des princes allemands, la patience angélique de leurs sujets, et, en particulier, l’esprit du militaire allemand à cette époque.

C’était l’idéal du soldat-machine, de l’homme abruti par la discipline militaire à ce point qu’il tue et qu’il se fait tuer, à raison de quelques sous par jour, sans savoir même qui il tue et pourquoi il le tue. Quant aux officiers allemands, nobles la plupart du temps, c’étaient de vrais chevaliers d’aventure, louant leurs services au souverain qui donnait davantage, allemand ou même étranger, et portant dans tous les pays qu’ils honoraient de leur service lucratif la même fidélité de chien vis-à-vis de leurs chefs et de leurs princes d’occasion, la même dureté pour le soldat, et le même mépris pour le bourgeois et le peuple.

Qu’on réunisse, qu’on combine tous les éléments sociaux que je viens d’examiner un à un, et on aura une idée parfaitement juste de l’Allemagne telle qu’elle était sortie de la Réformation et de la guerre de Trente ans, jusqu’à la seconde moitié du dix-huitième siècle. Et maintenant, la main sur la conscience, qu’on dise si je n’ai pas eu mille fois raison de prétendre, contrairement à M. Marx, que ce n’est pas du tout la Russie, que c’est l’Allemagne qui, du seizième siècle jusqu’à nos jours, a été la source et l’école permanente du despotisme d’État en Europe. De ce qui, dans les autres pays d’Europe, n’a été qu’un fait, l’Allemagne a fait un système,