Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/516

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une doctrine, une religion, un culte : le culte de l’État, la religion du pouvoir absolu du souverain et de l’obéissance illimitée de sujet, la prosternation, l’annihilation |69 de tout subalterne vis-à-vis de son chef, le respect du rang comme en Chine, la noblesse du sabre, la toute-puissance mécanique d’une bureaucratie hiérarchiquement pétrifiée, le règne absolu de la paperasse juridique et officielle sur la vie, enfin l’absorption complète de la société dans l’État ; au-dessus de tout cela, le bon plaisir d’un prince quasi-Dieu et nécessairement demi-fou, avec la dépravation cynique d’une noblesse à la fois stupide, arrogante et servile, prête à commettre tous les crimes pour lui plaire ; et au-dessous, la bourgeoisie et le peuple donnant au monde entier l’exemple d’une patience, d’une résignation et d’une subordination sans limites.

M. Marx pense-t-il qu’un peuple, quelque doué qu’il soit, puisse rester impunément dans une situation pareille pendant une longue période historique, sans que l’esclavage pénètre jusque dans les dernières ramifications de ses veines, devienne son habitude, sa seconde nature ? Et si ce peuple, comme on peut le dire avec pleine justice du peuple allemand, même avant cette période de servitude écrasante, n’a jamais connu ni même désiré la liberté ; si, au milieu du mouvement progressif des peuples voisins, il est resté un peuple stagnant, contemplatif, méditatif, — travaillant beaucoup il est vrai, et c’est là son honneur, mais ne se révoltant jamais,