Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 17.djvu/192

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planade des Invalides. Cet appartement, jadis en harmonie avec la lune de miel, offrait en ce moment un aspect à moitié frais, à moitié fané, qu’il faudrait appeler l’automne du mobilier. Les nouveaux mariés sont gâcheurs, ils gaspillent sans le savoir, sans le vouloir, les choses autour d’eux, comme ils abusent de l’amour. Pleins d’eux-mêmes, ils se soucient peu de l’avenir qui, plus tard, préoccupe la mère de famille.

Lisbeth trouva sa cousine Hortense ayant achevé d’habiller elle-même un petit Wenceslas qui venait d’être exporté dans le jardin.

— Bonjour, Bette, dit Hortense qui vint ouvrir elle-même la porte à sa cousine.

La cuisinière était allée au marché, la femme de chambre, à la fois bonne d’enfant, faisait un savonnage.

— Bonjour, ma chère enfant, répondit Lisbeth en embrassant Hortense. Eh bien ! lui dit-elle à l’oreille, Wenceslas est-il à son atelier ?

— Non, il cause avec Stidmann et Chanor dans le salon.

— Pourrions-nous être seules ? demanda Lisbeth.

— Viens dans ma chambre.

Cette chambre, tendue de perse à fleurs roses et à feuillages verts sur un fond blanc, sans cesse frappée par le soleil ainsi que le tapis, avait passé. Depuis long-temps, les rideaux n’avaient pas été blanchis. On y sentait la fumée du cigare de Wenceslas qui, devenu grand seigneur de l’art et né gentilhomme, déposait les cendres du tabac sur les bras des fauteuils, sur les plus jolies choses, en homme aimé de qui l’on souffre tout, en homme riche qui ne prend pas de soins bourgeois.

— Eh bien ! parlons de tes affaires, demanda Lisbeth en voyant sa belle cousine muette dans le fauteuil où elle s’était plongée. Mais qu’as-tu ? je te trouve pâlotte, ma chère.

— Il a paru deux nouveaux articles où mon pauvre Wenceslas est abîmé ; je les ai lus, je les lui cache, car il se découragerait tout à fait. Le marbre du maréchal Montcornet est regardé comme tout à fait mauvais. On fait grâce aux bas-reliefs pour vanter avec une atroce perfidie le talent d’ornemaniste de Wenceslas, et afin de donner plus de poids à cette opinion que l’art sévère nous est interdit ! Stidmann, supplié par moi de dire la vérité, m’a désespérée en m’avouant que son opinion à lui s’accordait avec celle de tous les artistes, des critiques et du public. —  « Si Wenceslas,