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CONTES DROLATIQUES.

— Seroyt faict par cettuy moyne ? dit Berthe en le resguardant sans paour au visaige, encores que il courust glace en ses veines au lieu de sang.

Le bonhomme crut errer et mauldit sa meschine, ains ne feut que plus ardent à vérifier le cas. Comme le iour deu à dom Iehan se faisoyt prouche, Berthe, mise en deffiance par ceste parole, luy escripvit son bon vouloir estre que il ne vinst pas ceste année, se réservant de luy dire le pourquoy ; puis, elle alla requerir la Fallotte à Losches de remettre sa lettre à don Iehan, cuydant tout sauf pour l’heure présente. Elle feut d’autant plus ayse d’avoir escript à son amy le prieur, que sire Imbert, qui, vers le temps assigné pour la feste annuelle du paouvre moyne, avoyt accoustumé voyaiger en la province de Maine, où il possédoyt grans biens, y faillit ceste foys, en obiectant les préparatifves de la sédition que souloyt faire monseigneur Loys à son paouvre père, qui feut si marry de ceste prinse d’armes, que il en mourut, comme ung chascun sçayt. Ceste raison estoyt tant bonne, que la paouvre Berthe donna dans les toiles et se tint en repos. Au iour dict, le prieur advint sans faulte. Berthe, le voyant, blesmit et luy demanda s’il n’avoyt point receu son messaige.

— Quel messaige ? dit Iehan.

— Nous sommes doncques perdus, l’enfant, toy et moy, respondit Berthe.

— Pourquoy ? feit le prieur.

— Ie ne sçays, dit-elle, mais vécy nostre iour extresme advenu.

Elle s’enquit de son bien-aymé fils où estoyt Bastarnay. Le ieune homme luy dit que son père avoyt esté mandé par ung exprès à Losches et ne debvoyt retourner qu’à la vesprée. Sur ce, Iehan voulut, maulgré sa mye, demourer avecques elle et son chier enfant, l’acertenant qu’aulcun meschief ne pouvoyt advenir après douze années escheues depuis la Noël de leur fieu. En ces iours où estoyt festée la nuictée aux adventures que vous sçavez, la paouvre Berthe demouroyt en sa chambre avecques le paouvre moyne iusques au souper. Ains, en ceste conioncture, les deux amans, hastez par les apprehensions de Berthe, lesquelles feurent espousées par dom Iehan dès que sa mye les luy grabela, disnèrent tost, encore que le prieur de Marmoustier raffermist le cueur à Berthe en luy remonstrant les priviléges de l’Ecclise, et combien Bastarnay, desià mal en Court, auroyt paour de faire ung attentat sur ung dignitaire de Marmoustier. Alors que ils se placèrent à la