Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/210

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Précédé par le clergé, il avait à sa droite, son oncle Laurent Goussard, qui, malgré sa goutte, s’était traîné jusqu’à l’église, et à sa gauche Bricheteau, qui, de temps à autre, étanchait deux larmes coulant le long de ses joues. Suivie d’une grande foule venue officieusement se joindre au cortège des invités, la pompe funèbre traversa une partie de la ville pour se rendre au couvent.

Sur le seuil de la chapelle, on trouva la mère Marie-des-Anges, attendant, à la tête de la communauté, le dépôt qu’elle s’était empressée d’accepter.

Âgée alors de quatre-vingt-trois ans, la supérieure des Ursulines n’était plus cette petite femme accorte et frétillante que nous avons connue. Succombant sous le poids des années et des infirmités, elle s’avançait, soutenue par deux novices qui aidaient ses pas chancelants.

Quand Sallenauve fut à portée d’elle, de ses vieilles mains tremblantes, elle essaya de prendre l’urne funéraire, mais elle ne put que faire le simulacre de la recevoir en disant toutefois d’une voix forte et accentuée :

« Viens, pauvre brebis égarée ! Dans cette maison que tes bienfaits ont contribué à embellir et qui t’a dû l’image de sa sainte patronne, tu trouveras avec le repos, vainement cherché pendant toute ta vie, des cœurs pour se souvenir de toi et d’humbles prières pour te recommander à la miséricorde infinie qui a reçu la Madeleine dans la gloire éternelle. »

Le De Profundis fut ensuite chanté et l’urne déposée sur un petit socle drapé de noir qu’on avait préparé au bas de la statue de sainte Ursule, en attendant le monument que Sallenauve a été autorisé, par monseigneur l’évêque de Troyes, à élever de ses mains.

Quand l’assistance se sépara, placé à la porte du couvent pour remercier individuellement tous ceux qui lui avaient fait l’honneur de répondre à son invitation, Sallenauve eut la satisfaction de voir que Beauvisage avait tenu à lui rendre sa politesse de l’enterrement de Grévin. Malgré les fureurs de l’implacable Séverine, encouragé par sa fille, l’ancien maire d’Arcis avait fait le voyage pour assister à la cérémonie, et il fut bien payé de la peine de son déplacement, quand Sallenauve lui prit les deux mains dans les siennes et lui dit, en les serrant avec émotion : Mon-