Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/211

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sieur, vous êtes un homme de cœur, et je vous remercie.

Dans les petites villes tout se remarque, et il fut constaté qu’à l’église, pendant le service, se tenant, à l’écart, dans deux places différentes, deux hommes qui n’accompagnèrent pas la pompe funèbre à la maison des Ursulines, avaient donné toutes les marques du plus profond recueillement. Aussitôt après la messe, ils étaient montés séparément dans deux chaises de poste et avaient repris rapidement le chemin de Paris.

Au sortir de la cérémonie, la nouvelle du jour fut la mort du vieux Gondreville. Muni des sacrements de l’église, il avait rendu son âme à Dieu dans le moment même, comme on le calcula plus tard, où les chantres entonnaient dans l’église d’Arcis les premiers versets du Dies iræ.


VI

LE TYRAN DOMESTIQUE


On se sera peut-être étonné de voir Sallenauve donnant lui-même une si éclatante publicité au secret de sa naissance.

Rien, ce semble, n’aurait empêché que la dernière volonté de sa mère fût accomplie à petit bruit, et que, remis secrètement aux mains de la mère Marie-des-Anges, ses restes mortels reposassent silencieusement et sans faste dans la sainte maison qui devait être leur dernier asile.

Mais, outre que dans ce procédé de furtive inhumation il y aurait eu pour Sallenauve la conscience d’une sorte de lâcheté, on doit ajouter qu’une grande révolution était arrivée à se faire dans son esprit.

On ne traverse pas les mers, on ne visite pas les contrées lointaines, on ne vit pas dans le désert au milieu de populations aux mœurs primitives et sauvages, on n’assiste pas aux grands spectacles de la nature, sans que