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le sang de la coupe

À Henri Heine

Ô poëte ! à présent que dans ta chère France,
L’Amante au froid baiser t’a pris à la souffrance,
Et que sur ton front pâle, encore endolori,
Le calme harmonieux du trépas a fleuri ;
À présent que tu fuis vers l’astre où la musique
Pure t’enivrera du rhythme hyperphysique,
Tu soulèves la pierre inerte du tombeau,
Et, redevenu jeune, enthousiaste et beau,
Loin de ce monde empli d’épouvantes frivoles,
Libre de tous liens, mon frère, tu t’envoles
Aux rayons dont fourmille et frémit l’éther bleu,
Le visage riant comme celui d’un dieu !
Vêtu du lin sans tache et de la pourpre insigne,
Couronné, rayonnant, tu joins la voix du cygne
Au concert que faisaient dans le désert des cieux
Les sphères gravitant sur leurs légers essieux ;
Glorieux, tu redis les chants qui sur la terre
N’ont fléchi que le tigre et la noire panthère,