Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/100

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Je trouverai du moins ma chère solitude,
Si douce pour l’amour, et douce pour l’étude.
Loin du fracas bourgeois de leur nouveau Paris,
Je lirai près du feu mes poëtes chéris ;
Je tâcherai surtout, sans être aristocrate,
De choisir mes amis comme faisait Socrate,
Écoutant auprès d’eux s’enfuir l’heure et, les soirs,
Allant rendre visite à mes monuments noirs.
J’entendrai sous le vent crier leurs girouettes,
Je verrai devant moi leurs longues silhouettes
Découper leur contour dans un ciel sombre et pur
Et jeter lentement leur ombre sur le mur.
Près de ces grands hôtels au style large et vaste,
Palais cyclopéens que le temps seul dévaste,
Je trouverai toujours mon banc presque détruit
Où l’on écoute en paix l’haleine de la Nuit.
  Là montent librement la pleine consonnance
Du bruit harmonieux que produit le silence
Et le parfum léger des folles nappes d’air.
Puis, lorsque du sein glauque où le tenait la Mer
S’élance l’astre blond, et qu’aux jeunes nuées
Il met des corsets d’or comme aux prostituées,
La cité des vieux noms s’embrase, et son réveil
Met dans les arbres noirs des éclairs d’or vermeil.
Seulement à son front plus d’un noble édifice
A, comme un nid d’oiseaux que le lierre tapisse,
Une pauvre mansarde amante de rayons,
Qui s’ouvre de bonne heure à cent illusions.