Puis engouffrer leurs tristes flots
Au fond d’une mer sombre et noire
Avec des bruits et des sanglots.
Et je me rappelais cette époque oubliée
Où l’âme d’une femme, à mon âme liée,
L’avait brisée avec si peu,
Et cette nuit d’angoisse, effarée et vivante,
Où sur ma couche, avec des sanglots d’épouvante,
Je pleurais en suppliant Dieu !
Oh ! disais-je alors, quoi ! la bouche
Qui vous caresse et qui vous touche
Avec un délire inouï,
La main frémissante qui presse
Les vôtres, les soupirs, l’ivresse,
Les yeux éteints qui disent Oui,
Tout cela, ce n’est qu’un mensonge,
Ce n’est qu’un songe évanoui
Qui passe comme un autre songe !
Quoi ! lorsque je mourrai dans un délire fou,
Peut-être qu’un autre homme embrassera son cou
Malgré ses refus hypocrites,
Et quand, se souvenant, mon âme gémira,
Dans un spasme semblable elle lui redira
Les choses qu’elle m’avait dites !
Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/132
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