Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/180

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Toute clarté leur jette, innocente ou hardie,
         Un désespoir amer ;
En effet, l’étincelle est tout un incendie,
         La source est une mer !

Aussi lorsqu’ils ont vu nos astres sur leur route
         Avoir mille rayons,
Ils ont appesanti l’épais brouillard du doute
         Sur ce que nous croyons.

Lorsque nous leur disions nos chants, des chants sublimes
         Qu’ils ne comprenaient pas,
Ils les examinaient, ces éplucheurs de rimes,
         Avec leur froid compas !

Lorsque nous demandions les vierges diaphanes
         Dont le maître étoila
Notre ciel obscurci, de viles courtisanes
Répondaient : Nous voilà !

Mais j’en ai trouvé deux plus froides que les autres
         Dans leur satiété,
Deux, l’Envie et la Faim, les plus dignes apôtres
         De la société !

Si bien que j’ai creusé mon sillon dans ce monde
         Égoïste et mauvais,
Lorsque l’autre patrie était seule féconde :
         Mais celle-là, j’y vais !