Mon rêve était partout. Je disais : Je t’adore !
À l’aubépine en fleurs ;
Au feuillage : Sens-moi tressaillir. À l’Aurore
Humide : Vois mes pleurs !
Je remplissais d’espoir mon âme fécondée
Et mes désirs sans frein,
Comme un sculpteur emplit avec sa large idée
Les marbres et l’airain :
J’aimais la Liberté, cette déesse antique
Dont les flancs sont blessés,
Et qui chantait jadis un radieux cantique
Sur ses fils trépassés ;
Cette mère dont l’âme à tous nos vœux se mêle ;
Qui, les deux bras ouverts,
Étreint les nations, et, comme une Cybèle,
Allaite l’univers !
Je saluais déjà l’aurore de la gloire.
Mais, ô deuil ! ô terreur !
À présent une nuit silencieuse et noire
M’enveloppe d’horreur.
Car, lorsque brille au loin dans un horizon sombre
Un éclat vif et beau,
Tous ceux qui sur nos fronts ne règnent que par l’ombre
Éteignent le flambeau.
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