Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/197

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Et leur rire plein d’étincelles
Semblait lancer dans l’aquilon
Des flèches pareilles à celles
De l’archer Phœbus Apollon.

Pourtant sans foyer et sans joie,
Sous les cieux incléments et froids
Ils traînaient leur misère, proie
De la foule, ou jouet des rois.

Et dans ses colères, la Vie,
Brisant ce qui leur était cher,
D’une dent folle, inassouvie,
Mordait cruellement leur chair.

Les mettant dans la troupe vile
Des mendiants que nous raillons,
Elle les poussait dans la ville
Affublés de sombres haillons ;

Sur eux acharnée en sa rage,
Et voulant les réduire enfin,
Elle leur prodiguait l’outrage,
La pauvreté, l’exil, la faim,

Et les pourchassait, misérables
Qui n’espèrent plus de rachats,
Ayant tous leurs fronts vénérables
Souillés de ses impurs crachats !