Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/22

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Au moment de jeter dans le flot noir des villes
Ces choses de mon cœur, gracieuses ou viles,
         Que boira le gouffre sans fond,
Ce gouffre aux mille voix où s’en vont toutes choses,
Et qui couvre d’oubli les tombes et les roses,
         Je me sens un trouble profond.

Dans ces rhythmes polis où mon destin m’attache
Je devrais servir mieux la Muse au front sans tache ;
         Au lieu de passer en riant,
Sur ces temples sculptés dont l’éclat tourbillonne
Je devrais faire luire un flambeau qui rayonne
         Comme une étoile à l’Orient ;

Rebâtir avec soin les histoires anciennes,
À chaque monument redemander les siennes,
         Dont le souvenir a péri ;
Chanter les dieux du Nord dont la splendeur étonne,
À côté de Vénus et du fils de Latone
         Peindre la Fée et la Péri ;