Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/253

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Pourquoi la belle femme incessamment voudra
         Être le lot d’un pleutre,
Et pourquoi nous allons étonner Sumatra
         Par nos chapeaux de feutre ?

Pourquoi de la cithare et du haut brodequin
         Le trépas se combine,
Et pourquoi c’est toujours ce vieux fat d’Arlequin
         Dont s’éprend Colombine ?

Pourquoi nous achetons avec un vrai transport
         Tant de meubles rocaille,
Et pourquoi dans le lit, lorsque l’Amour s’endort,
         La Satiété bâille ?

Pourquoi tout ce qui brille est, excepté l’argent,
         Un bagage inutile ?
Pourquoi rampe toujours au fond du lac changeant
         Quelque hideux reptile ?

Quand on aurait pu faire un monde jeune et beau
         Plein de choses sans voiles,
Où tout serait zéphyr, où tout serait flambeau
         Et pensives étoiles !

Où sur des fleuves d’or et sur l’azur sans fin
         Des eaux mélancoliques,
On aurait à son gré l’épaule d’un dauphin
         Pour voitures publiques !