Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/38

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Lionne que l’Amour furieux enchaîna,
Près de la mer grondante, avec son érinna,
Elle enseignait le rhythme et ses délicatesses
Au troupeau triomphal des jeunes poétesses,
Et glacée et brûlante, au bruit amer des flots
Elle mêlait des cris de rage et des sanglots.
Éros, qui nous atteins avec des flèches sûres,
De quels feux tu brûlas et de quelles blessures
Son chaste sein meurtri par le baiser du vent !
Mais comme rien ne meurt de ce qui fut vivant,
Sa colère amoureuse et de souffrance avide,
Plus tard devait dicter sa plainte au fier Ovide
Qui, choisissant l’amour, eut la meilleure part,
Et frémir dans les vers d’Horace et de Ronsard.
   Mille chanteurs ont dit chez nous, riants Orphées,
Les chevaliers héros protégés par les Fées ;
Villon, ce bel enfant qui n’eut ni feu ni lieu,
À chanté sa ballade en riant comme un dieu,
Et Marot, comme un Faune escaladant la cime
Du mont sacré, baisa les lèvres de la Rime ;
L’harmonieux Ronsard fit vibrer sous ses doigts
La glorieuse lyre où sommeillent des voix,
Et joyeux, anima de son archet d’ivoire
Un Tempé souriant près de la verte Loire.
Pindare, son aïeul, lui dit les grands secrets,
Et les Nymphes baisaient son front dans les forêts.
Attirant sur ses pas, au milieu des Déesses,
Un troupeau louangeur de rois et de princesses,