Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/69

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Le tableau saint lui plut, à la fille profane ;
Mais il était promis à quelque autre sultane,
Si bien que notre ami jeûna devant l’Éden,
Qu’il se serait ouvert au seul prix d’un amen.
Une chose, à mon sens, qu’on doit trouver exquise,
C’est ce que tu me dis, cette pauvre marquise
Toujours en pleurs, toujours fidèle à son tourment !
On dit Lutèce triste épouvantablement,
Et que dans cet ennui, dont s’augmente la dose,
On adore pourtant mademoiselle Doze.
Un nouveau diable est-il entré dans le beffroi ?
Dis-moi l’événement du jour, tandis que moi,
Pour te conter aussi quelque nouvelle histoire,
Je fouille vainement le fond de l’écritoire.
  Dois-je à ton préjudice, infortuné songeur !
Abuser des récits que pare un voyageur ?
Cela m’ennuierait fort, et ce serait folie.
Eussé-je parcouru l’Espagne ou l’Italie,
Rien ne t’empêcherait en me laissant moi, nain,
De lire là-dessus Dumas, ou mieux, Janin.
Et d’ailleurs, à Bourbon, aux pelouses d’Avermes,
Dont l’Allier, fleuve d’or, arrose les dieux Termes,
À Souvigny, vieille urbs, où près des noirs piliers
Dorment sur leurs tombeaux d’antiques chevaliers,
À Moulins, sous les vieux tilleuls du cours Bérulle,
J’ai gardé la folie et l’amour qui me brûle.
Je suis toujours le même et tel que tu m’as vu,
De fantaisie étrange abondamment pourvu,