Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/84

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Boudoir fort isolé, n’ayant pour toute issue
Qu’une fenêtre haute assise sur la rue.
La Nymphe du foyer devient rouge, le thé
Par Judith elle-même est bientôt apprêté,
Puis dans les flacons d’or le vin de Syracuse
Offre aux jeunes amants une charmante excuse
De toutes les pudeurs qu’ils pourraient oublier.
Oh ! quel désir aigu les vint alors lier !
Qu’ils allaient bien mourir dans ces voluptés sombres
Que l’ange de la nuit caresse de ses ombres,
Et dont ils connaissaient l’extase jusqu’au fond !
Mais voilà le mari, diplomate profond,
Qui revient tout à coup, montrant sous sa paupière
L’impassible regard du Convié de pierre.
Deux hommes sur les bras alors qu’on en veut un,
Certes, cela doit être un conflit importun,
Et l’on voudrait s’enfuir dans un autre hémisphère.
Pas de cachette, hélas ! Que résoudre ? Que faire ?
Encore, à l’Ambigu-Comique, ce serait
Facile, on trouverait un passage secret
Dans un mur féodal. Se tuer l’un ou l’autre
Sans pouvoir seulement dire de patenôtre,,
C’est un moyen fossile et maintenant honni ;
D’ailleurs cela serait imité d’Antony.
  Puis, Judith n’était pas de ces femmes novices
Qui prouvent leur amour avec des sacrifices,
Et qui donnent leur vie, en faisant peu de cas.
Elle jeta la lampe avec un grand fracas,