Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il se murmure là des discours dont l’exorde
Soulèverait le cœur aux danseuses de corde !
Puis, c’est là qu’on apprend le sourire qui mord
Et l’art si compliqué de mentir sans remord.
Ne crois pas que Judith fût donc embarrassée
Pour dire à son cousin qu’on l’avait tant forcée
Qu’elle n’avait pas pu refuser cet oison.
Prosper lui répliqua : Vous avez bien raison,
Et ce n’est après tout qu’une affaire de forme,
Car un époux marquis reste, pourvu qu’il dorme,
Un meuble de salon à ne pas dédaigner.
Mais un ancien amour permet d’égratigner
Le papier qu’a noirci, par un affreux mystère,
Hymen, ce dieu qui porte un habit de notaire.
  Tu sais que tous les deux aimaient à discuter,
Car nous les avons vus autrefois affronter
La nuit fraîche, sous une allée ombreuse et noire,
À l’heure douce où Puck dans le ruisseau vient boire ;
Tu sais que, tous les deux, après ces beaux discours,
Nous les avons trouvés dans des spasmes bien courts
Au fond d’un vieux jardin, sur le banc, dont la mousse
Empruntait à Phoebé sa lueur pâle et douce.
Après les pourparlers dont il s’agit ici,
Nous devons comme alors les retrouver aussi,
Non pas dans un jardin, nous sommes en décembre,
Mais au fond d’un boudoir rose et parfumé d’ambre,
Avec de gros coussins vétus de velours verts,
Comme on aime à les voir dans le cœur des hivers ;