Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Vois-tu, Dieu m’avait fait pour une seule chose,
Pour un amour d’enfant, une pauvre fleur close,
Et mon souffle s’envole à la fleur que j’aimais.
— ― Cueille-la, dit Phoebé. ―― Ne me parle jamais,
Femme, de cette enfant, car elle est morte. Approche
Ta joue. Oh ! non, ta lèvre est trop froide. Une roche
Dans un gouffre, vraiment, c’est mon cœur, ô Phoebé.
— ― Mio, répondit-elle, il faut vous faire abbé.
  A ce mot-là, Prosper fit une cigarette.
Car pareil au bon Roi chiffonnant sa Fleurette,
Il roulait un papel, dès qu’il ne trouvait rien
À dire. Et dans le fait, c’est le suprême bien.
Oh ! si dans mon réduit j’avais la douce natte
De Phoebé, ses bras blancs et sa lèvre écarlate,
Oui, cela, rien de plus, avec du tabac frais,
C’est pour le jugement que je me lèverais.
Les gens les plus heureux que notre terre porte
Sont le Turc et sa pipe accroupis sur leur porte.
Mais il faut être Turc pour prendre ce parti.
Après quelques instants, Prosper était parti
Pour suivre le torrent de ses bonnes fortunes.
Les pommes de l’Éden deviennent fort communes,
Et tous les tours d’alcôve on les a si bien lus
Que c’est tout naturel ; je n’en parlerai plus.
Il faut, pour terminer dans l’irrémédiable,
Qu’enfin Polichinelle aille aux griffes du diable,
Et qu’en baissant la toile on sente le roussi.
J’ai promis à don Juan sa foudre. La voici :