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LES EXILÉS

Tandis que sa poitrine et son ventre poli
Reflètent un rayon par la vie embelli,
Une âme se trahit sous cette chair divine.
La prunelle, où l’abîme étoilé se devine,
Prend des lueurs de ciel et de myosotis ;
Ses cheveux vaporeux que baisera Thétis
Étonnent le zéphyr ailé par leur finesse ;
Elle est rêve, candeur, innocence, jeunesse ;
Sa bouche, fleur encor, laisse voir en s’ouvrant
Des perles ; son oreille a l’éclat transparent
Et les tendres couleurs des coquilles marines,
Et la lumière teint de rose ses narines.
La nature s’éprend de ce matin vermeil
De la vie, aux clartés d’aurore. Le soleil
Du printemps, qui de loin dans sa grotte l’admire,
Met un éclair de nacre en son vague sourire.
La vierge, la Naïade argentine est debout
Contre le roc, pensive, amoureuse de tout,
Et son bras droit soulève au-dessus de sa tête
L’urne d’argile, chère au luth d’or du poète,
Qui dans ses vers, où gronde un bruit mélodieux,
Décrit fidèlement les attributs des Dieux.
Son corps éthéréen se déroule avec grâce
Courbé sur une hanche, et brille dans l’espace,
Léger comme un oiseau qui va prendre son vol.
Seul, un de ses pieds blancs pose en plein sur le sol.
Le vase dont ses doigts ont dû pétrir l’ébauche
S’appuie à son épaule, ô charme ! et sa main gauche