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LES EXILÉS


Elle pâlit. Comme dans la campagne
Se brise un lys, la jeune fille ainsi
Se laisse choir aux pieds de Charlemagne,
Le cœur brisé par un si grand souci.
Sa lèvre est blême et son cœur est transi,
La voilà morte et froide et son front penche,
Morte à toujours ! Dieu lui fasse merci
Et dans les cieux prenne son âme blanche !

L’Empereur pleure et tressaille ; d’abord
Il ne la croit que pâmée ; il la frôle ;
Il la soulève en tremblant, lui si fort !
La tête, hélas ! retombe sur l’épaule.
Va, c’en est fait, ô perle de la Gaule !
Ses longs cheveux, tandis qu’elle s’endort,
Tombent pareils à des branches de saule :
C’est bien le doigt farouche de la mort.

Charles, pensif, navré dans ses tristesses,
Ayant connu cette vaillante amour,
Au même instant mande quatre comtesses
Qu’il fit venir en grand deuil à sa cour
Pour veiller Aude aux bras blancs nuit et jour.
Et puis elle eut sa place aux pieds des Anges,
Dans un moutier de nonnains, doux séjour
Où de Marie on chante les louanges.