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LES EXILÉS

Mais, afin que je sois à jamais célébrée
Par les chanteurs épars sous la voûte azurée,
Et que cette quenouille, où seule j’ai filé
La blanche laine en mon asile inviolé,
À jamais parmi les mortels surpasse en gloire
Le foudre ailé du roi Zeus et la lance noire
D’Athènè, qui frémit sur son bras inhumain,
Daigne, oh ! daigne toucher avec ta noble main
Cette quenouille, chaude encor de mon haleine,
Où je filais d’un doigt pensif la blanche laine,
Et songe que ma mère a tenu ce morceau
D’ivoire, en m’endormant dans mon petit berceau !
Hercule souriait, penché ; la chevelure
D’Omphale frissonnait près de sa gorge pure.
La Lydienne, avec la douceur des bourreaux,
Languissante, et levant vers les yeux du héros
Ses yeux de violette où flotte une ombre noire,
Lui posa dans les mains sa quenouille d’ivoire.


Juin 1861.