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dilatés par je ne sais quelle poésie expansive, qui n’est peut-être que le désir et le besoin d’être adorée par tout ce qui existe ! Au contraire, du tyran qui désirait que le genre humain n’eût qu’une tête, cette belle diseuse de chansons voudrait que la folle Humanité eût encore plus de têtes qu’elle n’en a, pour pouvoir crier silencieusement aux innombrables foules subjuguées : « Aime-moi et prends-moi ! » Voilà en effet ce que disent ses regards noyés, ses lèvres entr’ouvertes, son superbe corps de guerrière qui ploie et s’affaisse comme celui d’une fillette, et toute sa personne, qui a été façonnée, finie et parée par un Ouvrier excellent. Ses prunelles, des abîmes qui eussent ébloui et stupéfait l’innocente Monna Lisa ! contiennent des Caprées et des paradis célestes, et quand elle dit n’importe quoi, elle a l’air de sous-entendre… tout ! mais sans le vouloir et sans le savoir, par la seule force des choses. Il n’y a pas un spectateur de La Timbale d’Argent qui, s’il lui arrive ensuite de tomber amoureux, ne