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peut être Hamlet, ou Roméo, ou Oreste, ou Rodrigue. Mounet-Sully est-il un Argien des temps héroïques, ou un seigneur italien du seizième siècle ? C’est comme on veut ; il appartient à toutes les époques où les artistes ont su trouver un idéal dans le visage humain, et il fournirait même à Balzac son Lucien de Rubempré en chair et en os, si le grand Inventeur revenait pour faire monter sur la scène la plus chérie d’entre les créatures auxquelles il a donné l’être. Mounet-Sully a un grand front de poète et de penseur, qui serait trop lourd à porter pour les amants de Shakspere ; mais il peut si bien le cacher sous sa noire et débordante chevelure, sombre, soyeuse, superbe, et qui est d’un héros ! De très-grands yeux dont le noir est une flamme, dont le blanc est chaud et lumineux, et qu’ombragent de très-près des sourcils d’une ligne presque droite ; un nez osseux, un peu serré, aux narines relevées, mais que l’inspiration ou la passion dilatent ; des joues d’une pâleur fauve, aux plans droits qui naturellement s’éclairent ;