Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/26

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Et l’on a rangé, las de leurs ardentes luttes,
Les violons pleurants, les tambours et les flûtes.
La plainte des hautbois pensifs, le chant des cors
Se sont tus, et l’on a retourné les décors
Où l’on vit parader le ténor et l’étoile,
Et sur la scène obscure on a levé la toile.
Maintenant le troupeau des invités descend
L’escalier monstrueux, énorme, incandescent,
Brillant comme le feu dans la rouge fournaise,
Dont l’enchevêtrement eût charmé Véronèse.
Les balustres d’onyx élancés et rampants
Se croisent là, pareils à des nœuds de serpents ;
Les feux des chandeliers frémissants et des lustres
Se reflètent parmi les rougeurs des balustres ;
Les marches semblent fuir au loin vers les sommets
D’une étrange Babel qu’on ne verra jamais.
Lumineux, au-dessus des foules prosaïques
L’avant-foyer étend l’or de ses mosaïques.
Le chœur des invités descend. Les diamants
Sur tout ce monde heureux jettent leurs feux charmants.
Comme le printems fou des campagnes fleuries,
Les uniformes sont couverts de broderies,
Et des balcons de bronze et des longs promenoirs
S’écoule avec lenteur le flot des habits noirs,