Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/27

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Qui défilent devant les marbres des pilastres,
Éclatants de rubans, tout éclaboussés d’astres ;
Et dans ce tourbillon, les rires ingénus,
Les bras nus, les beaux cous de neige, les seins nus,
Les regards de pervenche où sommeillent des âmes,
Les épaules où les colliers jettent des flammes,
Les robes où frémit la dentelle d’argent
Passent dans le triomphe et dans l’éclair changeant.
L’œil ébloui croit voir un cortège de reines
Laissant sur l’escalier flotter leurs longues traînes,
Et toutes ces beautés, délices de Paris,
Marchent tranquillement aux bras de leurs maris,
Car ils ont fait des frais pour bien monter le drame,
Et ce soir, chacun d’eux s’est paré de sa femme.
D’autres Parisiens, plus libres sous le ciel,
Et qui ne tiennent pas au monde officiel,
Respirant l’or fauve ou l’ébène de leurs tresses,
Donnent plus simplement le bras à leurs maîtresses.
Celles-là, dont les yeux captivent les esprits,
S’appuyant sur des bras qui leur seront repris,
Regardent cependant les dames sans rancune.
C’est ainsi que chacun marche avec sa chacune :
Nul être en ce féerique et fabuleux séjour
Qui ne soit accouplé sous le joug de l’amour.