Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/52

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À ce moment, parut la belle Cyprienne,
Glorieuse, avec sa démarche aérienne,
Qui, voyant le maudit, fit un geste d’horreur.
Mais il dit : En effet, madame, ce doreur,
Le matin rougissant, vous baise et vous caresse ;
Vous êtes Joie, Orgueil, Beauté, Grâce, Paresse ;
Vos regards fulgurants, pareils à deux brasiers,
Font palpiter d’amour les cœurs extasiés,
Et quand on voit les fleurs de vos lèvres éclore,
On croit facilement que vous êtes l’Aurore.
Votre chair est pareille à des fleurs de lotus.
Cléopâtre, sous la figure de Vénus,
C’est vous-même. C’est vous Hélène, aux jours de Troie.
Bienheureux le vainqueur dont vous êtes la proie !
Sur votre sein charmant vous avez plus de lys
Que n’en ont eus Phryné, Cléopâtre et Laïs ;
C’est pour vous que Louis, Roi-Soleil, eût pris Dôle,
Et vous auriez été la femme de Candaule.
Vivre est délicieux, mais vous voir est plus doux.
Pourtant, rayon, clarté, perle, souvenez-vous
Que la rose est mortelle, et que tout se termine
Par de la pourriture et par de la vermine.


Vendredi, 13 juillet 1887.