Page:Banville - Eudore Cléaz, 1870.djvu/19

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tion intime la grandeur imposante et sérieuse d’une apothéose destinée à traverser les âges futurs. Magnifique témoignage qui plus tard devait dire à la postérité en un langage irrécusable quel avait été l’homme dont la bonté, le génie et la résignation virile étaient racontés là avec une éloquence persuasive et souveraine.

« Ah ! c’est trop, dit enfin le vieillard, ne devais-je pas déjà revivre tout entier, d’abord en toi, si semblable et si supérieure à moi, en toi dont la beauté harmonieuse et toute spirituelle est la visible récompense de mes aspirations vers la science adorée de la poésie, puis aussi peut-être dans mon œuvre, où j’ai tenté de mettre un peu de cette flamme que je sens en moi, toujours avivée par un divin souffle ? »

Eudore se jeta au cou de son père. Après les premiers élans d’une joie ardente, folle, sans mesure, elle parvint enfin à lui faire comprendre qu’elle était aussi étonnée que lui par ce présent tombé du ciel, qui répondait à son désir le plus ardent, mais à un désir dont elle n’aurait jamais osé rêver la réalisation. La portière de la maison, qu’elle interrogea, lui raconta qu’au moment même où elle venait de sortir avec son père, une dame se disant leur amie et autorisée par eux, était venue avec des ouvriers qui portaient le portrait de M. Cléaz et qui sur ses indications l’avaient suspendu à la place où Eudore le voyait maintenant. La dame avait annoncé qu’elle reviendrait à deux heures, et avait laissé une carte sur la-