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CI. — LE COMÉDIEN

La chambre est à la fois un cabinet de travail et un cabinet de toilette. Au mur, sur la tenture sévère, sont accrochés des panoplies, des épées colossales de tous les temps, de nombreux portraits représentant la même figure sous des costumes divers, et dans leurs cadres fastueux, des couronnes d’argent et d’or, avec de longs rubans, souvenir des triomphes obtenus à Liège, à Castelnaudary, à Nice, et dans d’autres villes.

Sur un fauteuil en tapisserie sont négligemment jetés un costume de velours noir et un chapeau à plumes, et pêle-mêle, sur une table de la Renaissance, un volume de Molière, un exemplaire broché de La Tour de Nesle, et divers rôles manuscrits, appartenant tous à des pièces de William Busnach. Sur une étagère sont alignées au moins quarante paires de bottines, dont les grandeurs sont différentes, et qui cependant semblent appartenir au même homme, comme s’il devait avoir le pied tantôt grand et tantôt petit, au gré de certaines convenances particulières.

Assis et parfaitement seul, Montferrat, le plus grand des grands premiers rôles, est en proie à une épouvantable douleur. Ses traits sont convulsés, des gémissements et des sanglots soulèvent sa poitrine, et de