Page:Banville - Les Belles Poupées, 1888.djvu/23

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monsieur, que je cessai d’être l’inutile casseur des cailloux de Paros et de Carrare, pour jardins publics, et que je devins digne de m’établir statuaire de poupées.

— Monsieur, dis-je au vieux Chanderlos, vous faites tomber des écailles de mes yeux, d’où il en est déjà tant tombé, et qui cependant en restent couverts, comme le monstre du récit de Théramène. Il est sans doute malaisé d’imaginer l’Iliade ou Atta Troll ; mais il n’est pas facile non plus de créer des dames en carton, vêtues de riches étoffes. Donc, pour amuser la petite Nine, je m’en tiens à ce que j’ai dit ; j’entrerai au premier bazar venu, et je lui achèterai une catau de trois francs. Mais il n’est pas impossible que j’achète aussi quelques-unes de vos personnes, pour moi-même, pour leur demander leurs secrets, pour m’instruire et, comme disait Baudelaire, pour m’amuser personnellement.

— À la bonne heure, dit Chanderlos, mais je ne veux pas vous vendre chat en poche. Prenez donc votre temps ; feuilletez mon troupeau de femmes, et, si le cœur vous en dit, écrivez sous leur dictée des contes qui font oublier les heures.

Ayant ainsi parlé, le statuaire sortit, emmenant avec lui sa fille, mademoiselle Barbe, aux