Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/110

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La pluye nous a debuez et lavez Et le soleil desséchez et noirciz; PiEs, corbeaux, nous ont les yeux cavez, Et arrachez la barbe et les sourcilz. Enfin, avant Ronsard, le poëte pouvait, comme il le voulait , entrelacer à son gré les rimes mas- culines ou féminines, tandis qu’aujourd’hui nous devons les inverser régulièrement selon des rè- gles précises. Ainsi Villon ne pourrait écrire aujourd’hui sa Belle Leçon de Villon, aux Enfants Perduz, dont la première strophe n’a pas de rimes féminines , et dont la seconde strophe n’a pas de rimes masculines : Beaux enfans, vous perdez la plus Belle rose de vo chapeau, Mes clercs, apprenans comme glu; Si vous allez à Montpippeau Ou à Ruel, gardez la peau : Car, pour s’esbatre en ces deux lieux, Guydant que vaulsist le rappeau, La perdit Colin de Cayeulx. Ce n’est point ung jeu de trois mailles. Où va corps, et peut-estre l’âme ; S’on perd, rien n’y sont repentailles, Qu’on ne meure à honte et diffame ; Et qui gaigne, n’a pas à femme Dido la royne de Cartage. L’homme est donc bien fol et infâme. Qui, pour si peu, couche tel gage.