Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/111

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Ainsi avant Ronsard, et jusqu’à lui, le poète ne connaît pas d’autre obligation que celle de rimer et de bien rimer. D’ailleurs pas de règles, pas d’entraves, pas de liens. Depuis Ronsard, — et par lui (il faut bien l’avouer!), nous avons eu au contraire tout un arsenal de règles. Y avons-nous gagné quelque chose ?


Nous y avons tout perdu au contraire.


L’hiatus , la diphthongue faisant syllabe dans le vers, toutes les autres choses qui ont été interdites et surtout l’emploi facultatif des rimes masculines et féminines, fournissaient au poète de génie mille moyens d’effets délicats, toujours variés, inattendus, inépuisables. Mais pour se servir de ce vers compliqué et savant , il fallait du génie et une oreille musicale, tandis qu’avec les règles fixes les écrivains les plus médiocres peuvent, en leur obéissant fidèlement, faire, hélas ! des vers passables !

Qui donc a gagné quelque chose à la réglementation de la poésie ?

Les poëtes médiocres. — Eux seuls !

Ronsard était trop un voyant pour s’abuser là-dessus. Mais il ne sut pas être méchant pour être vraiment bon. Il eut pitié des poètes médiocres,