Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/179

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Rhythmes nouveaux. — En fait de rhythmés, se dé/îer absolument de tout ce qu’on a prétendu ou cru inventer depuis le xyi* siècle.

Étudions maintenant quelques-uns des plus vieux ou des meilleurs rhythmes français, et tout d’abord Je huitain et le dizain, qui sont peut-être ce que l’art lyrique a produit chez nous de plus parfait : aussi les poëtes modernes les ont-ils abandonnés! Pourtant, ils comptent dans leurs rangs de savants et habiles artistes : puisse l’un d’entre eux, saisi de pitié, arracher le Huitain et le Dizain à un injuste oubli I Je commence par citer deux exemples de huitains, l’un écrit en vers de dix syllabes et commençant par un vers féminin, l’autre écrit en vers de huit syllabes et commençant par un vers masculin.

HUITAIN ÉCRIT EN VERS DE DIX SYLLABES, ET COMMENÇANT PAR UN VERS FÉMININ


Lorsque je voy en ordre la brunette
Jeune, en bon poinci, de la ligne des Dieux^
Et que sa voix, ses doits et Tespinette
Meinent ung bruyet doulx et mélodieux,
J*ay du plaisir, et d’oreilles, et d*yeulx,
Plus que les sainctz en leur gloire immortelle ;
Et autant qu’eulx je deviens glorieux
Dès que je pense estre ung peu aymé d’elle.

Clément Marot. D’Anne jouant de l’espinette, Épigriunmes, cxx. Œuvres complètes» édition Pierre Jannet, chez Lemerre.