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Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/253

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L’ombre de Voiture en fait bruit,
Et, s’estant enfin résolue
De vous aller voir cette nuit,
Vous rendra sa douleur connue.

C’est une assez fâcheuse vue,
La nuit, qu’une Ombre qui se plaint ;
Votre esprit craint cette venüe
Et raisonnablement il craint.

Pour l’apaiser, d’un ton fort doux
Dites, i’ai fait une bévue.
Et ie vous coninre à genoux
Que vous n’en soyez point émüe.

Mettez, mettez votre bonnet,
Respondra l’Ombre, et sans berlüe
Examinez ce beau Sonnet,
Vous verrez sa misère nue.

Diriez-vous, voyant lob malade.
Et Benserade en son beau teint :
Ces vers sont faits pour Benserade,
Il s’est lui-même ici dépeint ?

Quoy, vous tremblez, Monsieur Esprit ?
Avez-vous peur que ie vous tue ?
De Voiture, qui vous chérit.
Accoutumez-vous à la veüe.

Qu’ay-ie dit qui vous peut surprendre
Et faire paslir votre teint ?
Et que deviez-vous moins attendre
D’un homme qui souffre et se plaint ?

Un Autheur qui dans son escrit,
Comme moy, reçoit une offense.