Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/336

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strument selon les exigences de la pensée, tantôt prenant le sistre ou le luth, ou la simple flûte de roseau, tantôt faisant résonner le tambourin ou les crotales d’or.

Les Contes de La Fontaine ! Ces cinq mots réunis sont arrivés à constituer une formule magique, une sorte de phrase enchantée qui représente à notre esprit quelque chose comme la parole devant laquelle s’ouvrent les portes d’airain des cavernes remplies de trésors, de riches étoffes et de pierres précieuses. Eût-il été juste d’anéantir en leur temps ces trésors et de refermer à jamais sur euxla porte de bronze ? Si les Contes n’avaient pas gagné leur procès à force de génie et à force de joie, il faudrait leur pardonner encore pour Le Faucon et pour La Courtisane amoureuse, deux histoires d’amour qu’on relira tant que les langues humaines existeront, et tant que l’amour sera le supplice et la félicité des mortels. Si quelqu’un sait des sacrifices plus attendrissants que le sacrifice de Fédéric et que l’humiliation de Constance, si quelqu’un sait de plus beaux discours que le discours de Constance à Camille et que celui de Fédéric à Clitie, que celui-là mette le feu aux contes de La Fontaine et nous n’aurons rien à regretter ! Quand je songe à toutes les douces larmes que ces deux contes ont arrachées