Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/178

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— pourquoi me haïssez-vous, vous que j’aime d’un amour qui désarmerait de la haine la plus légitime et la plus profonde ? Que vous ai-je fait ? Vous ai-je offensée ? Ne vous ai-je pas demandé pardon de ce mot de l’autre jour si cruellement rappelé par vous au souper du comte de Mareuil ? Je vous en demande pardon encore. Je vous en demanderai pardon toujours. C’était le blasphème de l’ignorance ; je ne vous connaissais pas. C’était un blasphème contre le Dieu inconnu que j’allais adorer.

« Tout cela, marquise, n’était pas très éloquent, mais c’était sincère ! et la vérité de mon âme passant à travers mon langage, lui donnait peut-être quelque puissance. Toujours est-il qu’elle m’écoutait.

« Nos chevaux se touchaient… nos coudes aussi. Je n’avais qu’à allonger le bras et j’enlaçais cette taille fine et voluptueuse qui produisait le désir par la souplesse comme d’autres le produisent par le contour. En deux temps, si je le voulais, moi qui ne rêvais, depuis quelques jours, que d’entreprises extravagantes, je pouvais l’enlever de la selle, la coucher sur le cou de mon cheval et l’emporter dans la campagne, avant qu’on pût même venir à son secours.

« Cette idée me passait dans le cerveau et me donnait des vertiges. J’y résistais cependant.