Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/105

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commencement de cette histoire, et comme il était si facile à tout le monde de le prévoir.

Sombreval l’avait prévu lui-même, car ce grand esprit se jugeait. Il se rendait compte de l’effet de son infamie, comme un grand médecin malade d’une maladie hideuse se rend compte froidement du dégoût que son état inspire et de la manière dont il va falloir vivre et souffrir jusqu’à la fin… Broussais, — dit-on, — eut ce sang-froid cruel contre lui-même, cette vue d’observateur que rien n’aveugle et ne fait trembler.

Sombreval, qui venait habiter le Quesnay pour une raison plus forte que lui et que nul ne savait, excepté cette femme accablée de vieillesse (pensait-il), qui serait roulée un de ces matins dans son cercueil, — la Malgaigne, — Sombreval avait deviné qu’il ne trouverait pas une âme qui voulût le servir, et que même les Herpin, retenus momentanément par leur bail, pourraient bien abandonner une terre épuisée qui avait été pour eux, pendant tant d’années, une vache à lait tétée jusqu’au sang par leur avidité de couleuvres.

Dans cette prévision, il avait amené de Paris deux domestiques, dont il ferait probablement des fermiers plus tard. C’étaient des gens à lui, — le mari et la femme, nègres tous deux, consacrant à son service cette masse de