Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/106

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force organique, de dévouement et d’obéissance sans bornes qui distinguent les êtres vaillants de cette race.

Pour eux, il n’était pas un homme, il était un dieu ! Il avait sauvé le mari d’une maladie épouvantable, inconnue en Europe, sans relation avec les plus effroyables maladies endémiques, telles que le sibbens, la pellagre, le yaw, le pian, ces choses monstrueuses sous des noms aussi monstrueux qu’elles, et l’ayant traitée avec l’audace d’un homme de génie expérimentant sur un esclave, il l’avait radicalement guérie, à l’aide de poisons savamment et témérairement combinés.

Ces noirs, qui n’étaient pas, sur cette côte de marins et de pêcheurs, une espèce inconnue, et qu’on n’aurait pas remarqués, s’ils avaient appartenu à d’autres maîtres, redoublaient l’aspect sinistre du Quesnay. — « Dieu et le diable seuls savent ce qui se passe dans le château depuis qu’ils y sont, monsieur Néel ! » — continuait le fils Herpin, tout en fouettant les quatre bœufs de sa charrette, roulant péniblement dans ces ornières où la roue enfonce jusqu’au moyeu : — « les faces de crêpe (il appelait ainsi les deux noirs) ne parlent pas plus que des souches et ne viennent jamais, au grand jamais, flâner chez nous. V’là pourtant un bon mois et le pouce qu’ils sont arrivés au