Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/173

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il est dit que la vieille Malgaigne doit vous revoir ailleurs. Je le sais…

Et elle fit un pas en arrière, mais elle revint, et d’un geste, montrant à Sombreval la route :

— Écoute un dernier mot, Sombreval ! — dit-elle avec mystère.

Et il obéit à son geste, en sautant sur le bord, d’où elle l’entraîna quelques pas.

— Jean — lui dit-elle d’un air étrange — prends garde à toi ! prends garde ! Tu joues avec ta perte. Va-t’en de cet étang et n’y rentre plus… La mort y couve pour toi…

Et comme Sombreval se prit à sourire :

— Tu ris ! — lui dit-elle avec une ironie plus méprisante que la sienne. — Par la splendeur du jour qui nous éclaire ! lorsque je parlais tout à l’heure à ta fille, j’ai vu comme je te vois, là… — et de son long bâton elle indiqua la place — ton cadavre à toi, Sombreval, qui mitonnait sous les eaux croupies… et, jour de Dieu ! je l’y vois encore ! — fit-elle avec le regard de l’horreur, mais de l’horreur sans épouvante.

Sombreval, malgré lui, regarda l’étang et ne vit que sa surface limoneuse, muette et sombre, que rien ne plissait.

— Bah ! — fit-il, ému pourtant ; mais, plus fort que cette émotion involontaire, il tourna les talons et redescendit dans la barque, comme