Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/242

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gloire (chose difficile pour un tempérament militaire), et de lui refuser son fils.

Aux approches des dix-huit ans de Néel, le vicomte avait donc regardé autour de lui dans les châteaux et les gentilhommières de la contrée pour y découvrir une jeune personne noble et bien portante, qui refît la souche des Néhou sur le point de défaillir, et il avait fini par aviser, avec le coup d’œil du connaisseur, une fille superbe à la manière des Normandes, et qui devait donner aux Néhou futurs un sang bayeusain pour la beauté. Le sang de Bayeux est réputé le plus beau de la Normandie[1].

C’était Mlle Bernardine de Lieusaint, fille de l’ancien seigneur de Lieusaint, — une enclave du diocèse de Bayeux, jetée assez singulièrement au travers du diocèse de Coutances. Le vieux Bernard de Lieusaint avait connu le vicomte Éphrem, émigré en Prusse et en Allemagne.

À son retour d’émigration, il s’était marié à une femme riche. Opinions, sentiments, voisinage de terre, tout rendait les deux gentilshommes fort amis. Ils avaient, en fumant leurs longues pipes allemandes et en buvant leur Château du pape, après leurs chasses à la sar-

  1. On dit en proverbe : Garçons de Caen, filles de Bayeux.