Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/243

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celle et au canard sauvage, arrêté de compte à demi le mariage de leurs deux enfants.

Néel eut l’entrée de la maison à Lieusaint. Quelque temps avant que Calixte habitât le Quesnay avec son père, Néel avait offert de la part du vicomte Éphrem à mademoiselle Bernardine la croix de topazes sibériennes et l’opale arlequine de sa mère, tant cette jeune personne était officiellement, dans le pays et dans sa famille, la femme qu’il devait épouser !

Mais de ce temps au temps où nous voilà arrivés dans cette histoire, il avait passé bien des gouttes d’eau sous l’écoute s’il pleut de Néhou[1] et les moulins de Colomby ! Néel, qui avait senti la griffe de l’amour lui prendre le cœur par tous les côtés à la fois, avait été enlevé à toutes les habitudes, à tous les projets qu’il avait subis ou acceptés jusque-là.

Malheureux, avant de connaître Calixte, de la mort de son ami Gustave d’Orglande, qu’il avait involontairement causée ; malheureux de ne pouvoir se livrer au génie militaire de sa race, il se serait laissé marier tranquillement, sans goût ni dégoût, sans amour et sans haine, et il se serait éteint, comme jeune homme, pour se rallumer, comme père, dans ses enfants.

  1. Petit moulin sur peu d’eau et qui pour cela attend de la pluie.