Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/103

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expression, qui se sont abîmées et défigurées à ses yeux, et se confondent avec son malheur.

Soudain, elle est là ; elle m’arrive en plein dans les regards. Mon cœur s’arrête, puis m’étreint, et me tire vers elle.

Elle est demi-nue : une chemise mauve, courte et légère, tendue et bombée par ses seins, s’applique doucement, au mouvement de sa marche, sur le galbe de son ventre.

Elle revient du cabinet de toilette, un peu traînante et lasse des mille riens qu’elle a entrepris déjà, une brosse à dents à la main, la bouche toute mouillée et vermeille, les cheveux épars. La jambe est mince et jolie, le petit pied très cambré sur le haut talon pointu du soulier.

La chambre, tout en chaos, est pleine d’un mélange d’odeurs : savon, poudre de riz, senteur aiguë de l’eau de Cologne, dans la lourdeur du matin enfermé.

Elle s’est éclipsée ; elle est revenue, tiède et savonneuse ; puis, toute fraîche, la figure rosissante, essuyant des gouttelettes d’eau.

Lui, discourt, explique une affaire. Il a allongé à demi les jambes. Tantôt il la regarde et tantôt il ne la regarde pas.

— Tu sais, les Bernard n’ont pas accepté, pour l’affaire de la gare…

Cette fois, il la suit des yeux tandis qu’il parle, puis il regarde ailleurs, laisse traîner ses yeux sur le tapis, fait un claquement de langue désappointé, tout à son idée, — pendant qu’elle va et vient, montrant la courbe de ses hanches, ses reins nerveux,