Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/104

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son ventre pâle, et l’ombre épaisse du bas de son ventre.

Mes tempes battent ; toute ma chair va à cette femme presque nue et charmante dans le matin et dans le transparent vêtement qui enferme la douce odeur d’elle… Et on entend encore résonner la phrase banale du mari, la phrase étrangère à elle, la phrase blasphématoire dans cette chambre où elle apporte sa nudité.

Elle met son corset, ses jarretelles, son pantalon, son jupon. L’homme demeure dans son indifférence bestiale ; il retombe à ses réflexions.

… Elle s’est installée devant la glace de la cheminée, avec des boîtes et des objets. Le miroir du cabinet de toilette ne lui paraît pas sans doute suffisant pour ce qu’elle veut faire. Tout en procédant à sa toilette, elle parle toute seule, bavarde, gaie, animée, à cause qu’on est encore au printemps de la journée.

… Et elle s’applique et se multiplie ; elle met beaucoup de temps à s’arranger, mais ce sont des heures importantes et non perdues. D’ailleurs, elle se dépêche.

Elle va maintenant ouvrir une armoire, en tire une robe frêle et légère qu’elle tient dans ses bras, en avant, comme une nichée d’oiseaux.

Elle passe cette robe. Puis tout d’un coup une idée lui vient, et ses bras s’arrêtent.

— Non, non, non, décidément, fait-elle.

Elle ôte sa robe et va en chercher une autre : une jupe sombre et une chemisette.

Elle prend un chapeau, en ébouriffe un peu le