Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/111

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demeure presque seul, à ne pas savoir si je suis très heureux ou très malheureux, à ne pas savoir ce qui est le réel et ce qui est le surnaturel.

Puis, je le comprends, doucement, lourdement… Je jette les regards autour de moi, je contemple toute chose simple et tranquille, puis je ferme les yeux, et je me dis, comme un élu qui se rend compte peu à peu de sa révélation :

« Mais l’infini, le voici ; c’est vrai, je n’en peux plus douter. » Cette affirmation s’impose : il n’y a pas de choses étranges : le surnaturel n’existe pas, ou plutôt, il est partout. Il est dans la réalité, dans la simplicité, dans la paix. Il est ici, entre ces murs qui attendent de tout leur poids. Le réel et le surnaturel, c’est la même chose.

Il ne peut pas plus y avoir de mystère dans la vie que d’autre espace dans le ciel.

Moi, qui suis pareil aux autres, je suis pétri d’infini. Mais comme tout cela se présente effacé et confus devant moi ! Et je rêve à moi, à moi qui ne peux ni me bien savoir, ni me débarrasser de moi ; à moi qui suis comme une ombre pesante entre mon cœur et le soleil.