Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/113

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gare, d’une promenade publique, d’un marchand de fleurs.

Tout à coup, elle s’arrêta, elle me parut s’assombrir, et elle cacha sa figure dans ses mains.

Il lui prit les poignets, avec une lenteur triste qui indiquait combien il était habitué à ces défaillances — et il lui parla sans savoir quoi dire, en balbutiant, s’approchant d’elle comme il pouvait :

— Pourquoi pleures-tu ? dis-moi pourquoi tu pleures.

Elle ne répondit pas ; puis elle écarta ses mains de devant ses yeux, et le regarda :

— Pourquoi ? Est-ce que je sais ! fit-elle. Les pleurs ne sont pas des paroles.

Je la regardai pleurer, se noyer de larmes. Ah ! cela est important d’être en présence de quelqu’un de raisonnable qui pleure ! Une créature trop faible et trop brisée qui pleure fait la même impression qu’un dieu tout-puissant qu’on supplie ; car, dans sa faiblesse et sa défaite, elle est au-dessus des forces humaines.

Une sorte d’admiration superstitieuse me saisit devant ce visage de femme baigné de l’inépuisable source, ce visage en même temps sincère et véridique.