Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/194

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rien, et il valait mieux, en attendant que tout le monde fît son devoir, qu’ils allassent faire le leur, et dire à cette pauvre femme la vérité.

— Qui nous la dira, à nous !

La phrase jaillit, inattendue ; le jeune homme avait hésité, la figure anxieuse, puis, de sa bouche, était monté ce grand appel qui avait toutes les significations :

— À quoi sert qu’on nous la dise, puisque nous croyons la savoir ?

— Ah ! fit le jeune homme brusquement touché par une invisible épouvante que je ne comprenais point et qui parut soudain le déséquilibrer, je voudrais savoir de quoi je mourrai !

Il ajouta avec une palpitation que je vis :

— Je voudrais en être sûr…

Son illustre collègue le regarda, étonné, le geste suspendu :

— Vous avez des symptômes qui vous inquiètent ?

— Je ne suis pas sûr ; il me semble… Je ne crois pas, pourtant…

— Est-ce… ce dont nous parlions ?…

— Oh ! non ! C’est tout autre chose, répondit le jeune homme en se détournant.

Comme une espèce d’ardeur l’avait transfiguré tout à l’heure, maintenant, des signes de défaillance en faisaient encore une fois un autre homme.

— Maître, vous avez été mon maître. Vous fûtes témoin de mon ignorance, vous l’êtes maintenant de ma faiblesse.

Ses deux mains se froissaient gauchement, et il rougissait comme un enfant.