Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/198

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partie de l’activité publique : le trafic, la bourse, l’art, les expositions, les cérémonies. La foule y fourmille et forme des ondoiements et des courants, qui tourbillonnent lentement aux carrefours, et l’œil s’y perd, dans le rêve des lignes verticales.

« De flanc, la colonnade plonge à pic dans l’autre quartier de la ville, comme une falaise. Tout cela n’a pas de style. L’immense architecture se présente en simplicité. Mais les proportions sont si vastes qu’elles distendent les regards et saisissent le cœur. »

Je le regardais fixement, cet homme en qui, d’heure en heure, le charnier augmentait, et soudain, je remarquai son cou. Il était large, gonflé par l’espèce d’être qui grossissait là… Tandis qu’il parlait, au fond, au fond, dans le noir de la bouche, on aurait presque pu le voir !

— De loin, reprit-il, lorsqu’on arrive par chemin de fer, on voit que la colonnade est plantée sur une montagne, et, du côté opposé à la ligne des portiques d’entrée, un escalier descend dans la plaine des jardins. Cet escalier ! Il ne ressemble à rien d’existant, sinon, peut-être, aux ruines des Pyramides d’Égypte. Il est si large qu’il faut une heure pour en parcourir, dans le sens de la largeur, une marche. Il est brouillé d’ascenseurs qui montent et qui descendent comme de menues chaînes ; il est piqué de plates-formes mouvantes, de monte-charges et de trains. C’est un escalier grand comme la montagne, la nature martyrisée sur des kilomètres carrés, refaite par le dessin linéaire, offerte en harmonie — car, d’en haut ou d’en bas, on embrasse l’escalier d’un seul coup