Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/199

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d’œil — et aussi, profondément resculptée ; des blocs, des collines entières qui pèsent sur lui et le dominent, bougent d’une étrange vie : ce sont des statues… Cette vague hauteur polie et lisse, qui tourne et s’infléchit selon une courbe qu’on ne comprend pas dès l’abord — c’est un bras.

Il avait sa voix pénétrante qui annonçait et qui donnait vraiment la beauté de son rêve.

Il continua à parler des choses magnifiques, tandis que quelques jours seulement le séparaient du cercueil. Et moi, qui l’écoutais distraitement, bouleversé surtout par l’antithèse de son corps et de son âme, j’aurais voulu savoir s’il savait…

— Un sculpteur est un enfant : des idées élémentaires, blanches, par lignes simples, rigides et tout d’une pièce. Idéal difficultueux que celui qu’il poursuit, presque désarmé devant la banalité, avec son instrument de travail rudimentaire. Les sculpteurs sont des enfants, et peu de sculpteurs sont des enfants prodiges.

Il chercha des statues dans son rêve :

— Il faut que l’œuvre sculpturale soit dramatique, théâtrale, même lorsqu’elle est à un seul personnage. Je ne comprends pas le « buste » qui n’a pas plus d’âme que de membres et qui est la traduction en pierre d’un tableau, qui serait plus vrai, — car le tableau possède, en commun avec le modèle, l’ombre.

Il parut regarder, et dire ce qu’il voyait :

— La statue en marbre de la Chute. Où cette immobilité tombe-t-elle toujours ?

« Un grand sujet de sculpture : l’être adoré